Aujourd’hui, la consommation collaborative passe autant par des plateformes d’achat-vente (e.g., eBay, Le Bon Coin, Brocante Lab, A Little Market, Vide Dressing) ou de location (e.g., AirBNB, Drivy, Placedelaloc, DressWing, Zilok) que par des plateformes de prêt (e.g., Mutum, Peerby, Kikakwa) ou de don (e.g., Recup, Co-Recyclage, C’est bon esprit) entre particuliers. S’appuyant sur de nouvelles opportunités technologiques, ces plateformes sont en plein essor et inaugurent un nouveau paradigme en termes de consommation. Parce qu’elles induisent de fait des bouleversements économiques et sociologiques majeurs, nombreux y voient une troisième révolution industrielle (e.g., Botsman et Rogers, 2010 ; Bauwens, Mendoza et Iacomella, 2012 ; Schor, 2014). Avançant que ces plateformes offriraient une « seconde vie » aux objets, ils insistent tout particulièrement sur leurs vertus écologiques. Le présent chapitre se propose de discuter cette assertion en explorant plus avant leur impact environnemental.
Du côté de l’acheteur, un objet acheté d’occasion remplace-t-il un objet déjà possédé et dont la fin de vie se trouve de facto précipitée ? Vient-il au contraire s’ajouter à une collection déjà fournie du même objet, à l’image du n-ième vêtement entré dans une garde de robe ? Cet objet aurait-il seulement été acheté à l’état neuf ? En allant plus loin, le budget libéré par cette acquisition souvent moins onéreuse est-il utilisé pour accroître la consommation d’autres objets, nécessaires ou non ? Du côté du vendeur, l’objet vendu ou donné d’occasion offre-t-il l’excuse de le remplacer de manière anticipée par un objet plus tendance, ou simplement plus neuf ? Ces questions interrogent l’existence d’effets rebond (Thomas, 2003, 2011) et posent la question les plateformes d’achat-vente et de don d’objets d’occasion conduisent à augmenter, plutôt qu’à réduire, la quantité d’objets en circulation. Ainsi les plateformes d’achat-vente ou de don n’incitent-elles pas à céder au désir et à se procurer impulsivement des articles moins chers tout en nourrissant sa bonne conscience écologique ? N’occasionnent-t-elles pas également des déplacements qui devraient se mesurer en kilomètres parcourus, et donc en émissions de carbone associées ?
Le présent chapitre propose de discuter ces questions, en s’appuyant sur des études empiriques ainsi que les résultats des premiers travaux de recherche disponibles sur le sujet. La première partie traitera de la place de l’écologie dans les motivations, tant chez les entrepreneurs à l’origine de ces plateformes de consommation collaborative que chez les particuliers qui y ont recours. Au-delà d’une approche de ces plateformes par les motivations des acteurs, aspect qui a le premier attiré la curiosité des chercheurs, la deuxième partie montrera que les objets suivent des trajectoires hétérogènes et que la question du caractère écologique des plateformes doit nécessairement passer par une analyse complexe du cycle de vie des objets qui s’y échangent. Prenant un peu de hauteur, la partie suivante proposera d’explorer si ces nouvelles modalités d’accès aux biens modifient la relation du consommateur aux possessions matérielles, première étape vers le détachement et donc vers des modes de consommation plus durables. Enfin, la quatrième partie proposera des pistes de réflexion sur les conditions de réalisation d’une consommation collaborative plus vertueuse sur le plan environnemental.
Pour citer cet article : Benoit-Moreau F., Parguel B. et Lunardo R. (2017), Des vertus écologiques de la consommation collaborative ? Le cas des plateformes d’échanges d’objets entre particuliers, in Decrop A., La consommation collaborative : enjeux et défis de la nouvelle société du partage, De Boeck Superieur, pp. 197-220.
Vertus écolo du bon coin
Chercheure CNRS
Université Paris-Dauphine, DRM (UMR CNRS 7088), équipe M-LAB
Maître de conférences
Université Paris-Dauphine, Laboratoire DRM (UMR CNRS 7088), équipe ERMES
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