La consommation de produits de contrefaçon est un enjeu majeur de politique publique dans la mesure où ce commerce illégal échappe aux taxes et finance potentiellement d’autres activités telles que le terrorisme. En matière de luxe, elle menace la réputation des marques. La consommation de contrefaçon de luxe s’explique facilement lorsque les acheteurs n’ont pas les moyens financiers de s’offrir les produits originaux. Mais comment expliquer que les consommateurs très riches recourent eux aussi à cette consommation ?
Prenant comme population d’étude les Emiriens, cet article cherche à comprendre et expliciter les stratégies qu’ils mettent en œuvre pour réduire les risques perçus lors de la consommation et l’usage de produits de luxe contrefaits. Une première étude confirme l’existence d’une consommation mixte entre produits originaux et produits contrefaits pour deux tiers des Emiriens. Les risques de performance et les risques sociaux sont les plus perçus. Le risque légal n’est quant à lui pas perçu. Une seconde étude qualitative met en évidence quatre stratégies permettant aux consommateurs de réduire la dissonance cognitive entre les risques perçus et leur consommation de produits contrefaits. La stratégie A-quality consiste à ne consommer que des produits contrefaits de très bonne facture permettant ainsi de minimiser le risque social et le risque de performance du produit. La stratégie black chameleon consiste à mixer la consommation de produits originaux et de produits contrefaits afin, là encore, de minimiser le risque d’être découvert. Ce mix est opéré de manières simultanée (un collier comportera des pièces originales et d’autres contrefaites) ou suivant les occasions (les produits faux ne seront pas portés lors des mariages qui constituent des rassemblements avec une importance sociale forte). La stratégie fashionista vise à favoriser les contrefaçons pour les produits à la mode et qui ont donc un cycle de vie plus court que les produits iconiques. Enfin, les entretiens ont mis en évidence un recours fréquent à la religion pour justifier la consommation de contrefaçons (acheter moins cher pour redonner ensuite aux pauvres) ou en diminuer la gravité (absence de notion relative à la propriété intellectuelle dans l’Islam). C’est la stratégie du believer. Ces résultats ont permis de formuler des recommandations aux marques de luxe et surtout au gouvernement local afin de lutter contre la prolifération de la consommation de contrefaçon.
Pour citer : Pueschel J., Chamaret C. et Parguel B. (2017), “Coping with copies: The influence of risk perceptions in counterfeit luxury consumption in GCC countries”, Journal of Business Research, 77, 184-194.