Chaque année, la semaine européenne de réduction des déchets a lieu en novembre. Cet évènement est l’occasion pour l’ADEME de rappeler qu’un Français produit en moyenne chaque année 354 kilos d’ordures ménagères. D’après le dernier rapport de l’AEE , la France est en plus en retard par rapport aux autres pays européens en matière de recyclage des déchets ménagers. Seulement 37% des déchets sont recyclés, contre 63% pour l’Autriche, 62% pour l’Allemagne ou encore 58% pour la Belgique !
Dès lors, comment encourager les ménages à trier davantage leurs déchets pour favoriser ensuite le recyclage ? C’est la question que se pose cette recherche qui étudie la manière dont les ménages procèdent pour trier leurs déchets, en particulier en se focalisant sur toute la « logistique » qu’implique le tri.
Quels que soient leurs motivations et le contexte dans lequel ils agissent, les consommateurs qui veulent trier doivent être capables de surmonter de nombreux problèmes logistiques. Quels types de bacs utiliser ? Où stocker les déchets ? Quand et comment les expédier ? Etc. L’effort est d’autant plus grand qu’il ne s’agit pas simplement de résoudre un à un ces problèmes mais de coordonner trois activités logistiques : la séparation des déchets, leur stockage et leur expédition.
Cette recherche s’appuie sur l’étude de vingt cas de logistiques du tri mises en place par des trieurs pour comprendre les différentes manières de procéder. Des entretiens ont été réalisés à domicile avec des personnes se déclarant responsables du tri des déchets dans le foyer. Pour compléter l’analyse, la méthode de l’observation a également été utilisée ainsi que la prise de photographies d’éléments susceptibles d’expliquer la manière dont les différents ménages faisaient le tri (type de contenant utilisé, lieu de stockage, quantités stockées…).
Ce travail a permis de montrer que, pour trier, les individus doivent avoir la capacité de mettre en place toute une « logistique » qui dépend des caractéristiques de leur contexte (type de collecte proposé et type de domicile) et du rapport plus ou moins distancié qu’ils souhaitent avoir avec les déchets. Les consommateurs utilisent ainsi, en fonction de ces éléments, trois types de logistiques différentes pour trier leurs déchets :
1) la massification, qui consiste à dédier un espace important au stockage et à la séparation des déchets au domicile et à réaliser l’expédition seulement quand les stocks débordent ;
2) le juste-à-temps, qui consiste à expédier les déchets rapidement, dès qu’ils sont produits, au moyen de trajets spécifiques jusqu’aux points de collecte ;
3) la mutualisation, qui consiste soit à se servir d’autres logistiques du quotidien pour expédier les déchets, notamment les sorties pour effectuer les courses alimentaires, soit à profiter des flux de déchets d’autres ménages.
Ces résultats sont intéressants puisqu’ils montrent qu’au-delà des actions mises en place par les différents acteurs institutionnels du tri (collectivités locales, syndicats intercommunaux, ADEME, Etat) en termes d’incitation au tri ou d’information sur les règles de tri, d’autres actions complémentaires méritent d’être considérées, en matière d’accompagnement des consommateurs dans l’amélioration de leurs capacités logistiques de tri. Le tri est en effet non seulement une question de motivation et de contexte mais aussi de logistique.
Ce travail suggère plusieurs pistes d’accompagnement possibles des trieurs. Premièrement, pour limiter l’encombrement lié aux déchets au domicile, les incitations à l’achat de produits avec moins d’emballage, compactables ou rechargeables doivent être poursuivies. Pour limiter le caractère peu hygiénique de certains systèmes de collecte, des améliorations pourraient être proposées comme par exemple le développement de conteneurs munis de trappes s’ouvrant avec les pieds plutôt qu’avec les mains. Deuxièmement, les bacs de tri jouant un rôle primordial au domicile, les acteurs de la gestion des déchets pourraient avoir intérêt à équiper systématiquement les individus de bacs de tri individuels et personnalisés en fonction de leur contexte de tri (formats adaptés à la fois au stockage et à l’expédition, par exemple). De plus, pour lutter contre la contrainte de déplacement jusqu’aux points de collecte, les nouveaux programmes immobiliers collectifs respectant les normes HQE (Haute Qualité Environnementale) pourraient intégrer des réceptacles dédiés, directement accessibles depuis les appartements à la manière de « vide-ordures » conçus avec des matériaux permettant d’éviter les nuisances sonores et hygiéniques. Enfin, pourquoi pas ne pas impliquer les distributeurs, qui livrent de plus en plus les courses à domicile, en leur donnant pour mission de repartir avec les déchets recyclables une fois leur livraison effectuée. Troisièmement, la communication autour du tri reste très importante. C’est la raison pour laquelle la mise en place de spécialistes logistiques dans les communes pourrait être envisagée afin de répondre aux questions des individus et les accompagner dans le déploiement d’une logistique qui leur convienne.
Les auteurs commentent : « (…) pour trier, un individu doit avoir la capacité de mettre en place toute une logistique, comprenant des activités de séparation, stockage et expédition, et ce, en fonction des caractéristiques de sa supply chain interne et externe et du rapport souhaité aux déchets, tant sur le plan physique, spatial que psychique ».
Pour citer : Monnot E., Reniou R. et Rouquet A. (2014), Le tri des déchets ménagers : une caractérisation des logistiques déployées par les consommateurs, Recherche et Applications en Marketing, 29, 3, 74-98.
Le tri des ordures ménagères_Une caractérisation des logistiques déployées par les conso
Maître de conférences HDR
CY Cergy Paris Université, Laboratoire ThEMA (UMR CNRS 8184)
Maître de Conférences
Université de Rennes 1, Laboratoire CREM (UMR CNRS 6211)
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